lundi 11 juin 2007

N-Y-C man

J'ai un atlas en sous-main. Je me réveille très tôt, et de huit heures à midi, Je lis Wolfgang Iser en écoutant Brassens. Depuis un mois, je ne suis pas sortie de chez moi sauf pour aller à la bibliothèque. Je suis allée deux fois à Paris. Sinon, je m'enterre dans ma chambre et j'ai décidé d'y rester pendant trois mois, comme Rousseau, lorsqu'il avait sa passion des échecs. Dans ma chambre, je n'y jouerai pas aux échecs. Je me suis dressée un plan qui marche pour l'instant, depuis un mois : le matin, trois heures
de lecture, l'après-midi, quatre heures de lecture de textes critiques et divers, et le soir, lire un livre d'anglais. Je fais du latin deux heures par jour à la bibliothèque françois-mitterrand, qui a à peu près tout de Cicéron, que je n'aime pas, mais qui est facile. Mon père qui passe dans ma chambre me demande de temps en temps, étonné : "mais qu'est-ce que tu fais Sophie ? On ne t'entend plus depuis quelques semaines." En réalité je ne le vois pas de toute la journée même si on habite dans le même appartement, puisque je me contente effectivement de dixmètre carré pour vivre. Lorsqu'il vient, et qu'il me propose d'ouvrir les volets, je pousse de grands cris comme si c'était le diable. Le grand air m'étouffe. Je tousse, je crache du sang, et mes parents deviennent inquiets pour ma vue qui diminue de plus en plus depuis que je lis presque 24h sur 24 (même la nuit). Ma mère m'a dit hier : "A ce rythme-là, tu mourras jeune." Cet après-midi, je suis sortie pour aller voir un film car un ami que je n'avais pas vu depuis longtemps me suppliait de l'accompagner. J'ai constaté que réellement, je n'aimais plus le cinéma. Réellement, je n'aimais plus me promener. Réellement, je n'aimais plus parler. Ce n'était pas nouveau, mais ce n'était qu'aujourd'hui que je l'ai, pour la première fois, réalisé. J'étais tellement faible que dans le métro, même pour une station, je devais m'asseoir ; l'ami ne comprenait pas, je lui ai dit de rentrer sans moi. J'ai dépassé ma station et je suis restée jusqu'au terminus parce que je n'avais pas envie de me lever. Je me suis dit qu'il ne me serait jamais plus possible de désirer. Curieusement, je ne déteste pas ce chaos. Ce qui n'était avant qu'un symptôme s'est amplifié et m'a aliénée. S'il m'arrivait de me confectionner en toutes pièces des signes avant-coureurs pour m'amuser à me faire peur, la différence est qu'à présent, alors que j'ai oublié en quoi le calcul cérébral consiste, ce qui m'a été révélée aujourd'hui, c'est la perte d'un idéal, c'est la vie au jour le jour, ma vie n'est plus pensée. Plus d'aventures ni de sons de cloche.
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Comment s'exclure soi-même de sa propre vie ?


Photo by 95101 (deviantart)

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